mercredi 13 février 2008

Le maraîchage 101

Des semences, de la bonne terre, un arrosage quotidien… Qu’est-ce qui faut de plus pour faire pousser des légumes?

C’est ce que je croyais, il y a six mois, quand je suis arrivé au sein de la cellule agro économique de mon ONG (Organisation Non Gouvernementale). La cellule suit plus de 400 producteurs dans leurs productions maraîchères et céréalières à travers le conseil de gestion à l’exploitation agricole. Ce conseil est une aide à la décision, un outil d’analyse de la rentabilité économique par le producteur lui-même, et de prise de décision en vue d’améliorer la situation de son exploitation.

Sept conseillers accompagnent donc chaque producteur pour que ceux-ci comprennent mieux les dépenses, les revenus et les aspects techniques de leur production.

J’ai pu comprendre rapidement que le maraîchage requiert des moyens pour investir, un savoir et beaucoup de travail! D’abord, il faut avoir accès à un point d’eau. Certains ont un ou deux puits, d’autre un bassin d’eau alors que des groupes ont bénéficié de projets d’envergure permettant la construction de barrage retenant l’eau de pluie.

Par la suite, des années sont nécessaires avant que se construise le savoir nécessaire à la culture de plants de qualité à bons rendements. Les maraîchers doivent trouver l’apport en eau et la quantité d’engrais optimale par rapport au type de sol de leur région. Ils doivent trouver des semences de qualité, permettant une bonne levée des plants. Ils doivent maîtriser la confection des pépinières et les traitements en cas de maladies. Ils doivent toute l’année faire le compost nécessaire à l’engrais organique. Seulement les mieux organisés peuvent irrigué avec une pompe, la plupart devant y aller arrosoirs par arrosoirs, sur plus de 500m2! Le nord du Burkina Faso produit beaucoup de pommes de terre et d’oignon. On y trouve également du chou, de la tomate, de l’aubergine, de la carotte, de l’ail, du piment.

(un producteur utilise les arrosoirs pour sa percelle de chou, Il poursuivra devant pour arroser ses parcelles de tomates)

Et ça c’est seulement la production! La réussite ou l’échec d’une saison maraîchère s’observe davantage à la vente. Il faut trouver un acheteur pour ses produits, l’éloignement des grands axes routiers rendant souvent l’opération très compliquée. Les besoins en argent pressant des producteurs rendent de plus l’organisation difficile, chacun essayant de vendre le plus rapidement possible. Si tout se passe bien, le bon maraîcher pourra sortir de ce trois mois de travail avec 200$ en poche. Il pourra, si les puits ou les réservoirs n’ont pas taris, répété à nouveau l’exercice.

(on se prepare pour vendre les oignons)


Le jeu en vaut par contre la chandelle. Les revenus générés permettent à la famille d’envoyer les enfants à l’école, de payer les frais de santé, les habits et même d’ouvrir un compte dans une Caisse d’épargne et de crédit. Ils permettent aux hommes de rester au village au lieu d’aller « chasser » l’or ou le travail en ville. Les femmes peuvent aussi pratiquer cette activité génératrice de revenu, lui permettant de participer aux dépenses de la famille et ainsi augmenter son statut. Le regroupement de producteurs autour d’un site permet aussi d’augmenter la cohésion sociale et le partage des connaissances. Dans le cas du Conseil de Gestion que nous faisons, les producteurs viennent également à occuper des postes de leaders dans leur communauté, étant donné qu’ils ont acquis des compétences de gestionnaires sur leur exploitation. Ils peuvent ainsi devenir trésorier d’un groupement, président d’une association de jeunes, responsable des recouvrements de crédit et autres. Écoutons deux producteurs :

« Le Conseil de Gestion a résolu tous mes problèmes. Avant de me lancer dans une activité, j’évalue à l’avance ce qu’elle me rapportera, si bien qu’aujourd’hui je constate que mon budget a augmenté et je m’occupe bien de l’alimentation de ma famille. J’ai pu scolariser deux enfants car j’ai compris l’importance de l’école. Toute ma famille se porte bien. J’ai pu acheter une charrette ».

Pour un autre, l’impact est différent : « Avant mon adhésion (au Conseil de Gestion) je gérais mal mon grenier si bien que souvent la famine frappait ma famille. Maintenant nous mangeons très bien toute l’année. Et avec l’argent que je gagne en plus, j’arrive à scolariser mes enfants et à assurer la santé de la famille qui depuis tombe de moins en moins malade. J’ai pu me marier à une nouvelle femme ».

L’activité du maraîchage est donc une activité qui se développement au Burkina, mais non sans difficulté. La maîtrise de l’eau, le manque d’équipement, les maladies des plants et surtout le développement des marchés pour la vente sont des contraintes la société et les différents projets de développement essaie de soulever, avec l’aide des producteurs et leurs groupements.

Le pouvoir des images

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D'abord vraiment merci pour vos commentaires. Chaque commentaires me "boost" pour la journée, je vous ment pas! Savoir qu'on est lu c'est vrailent important et très touchant! Donc voici mon prochain texte... gare à vous, journaliste et photographe en herbe!

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Durant mon implication scolaire et les quelques mois passés ici, je me suis rendu compte de quelque chose. Quand je travaille en équipe, je suis plutôt celui qui faire ressortir les problèmes, critiqués, identifiés ce qu’on aurait pu faire mieux. Quand je parle de développement et de pauvreté en général, je suis l’inverse. J’ai tendance à valoriser ce qu’il se fait de bien, montrer des exemples de réussite et d’espoir. Quand je regarde les médias, je me rend compte que eux aussi, on tendance à présenter un seul côté de la médaille…

Au Canada, nous voyons trop d’images de violence et de famine provenant de l’Afrique, oubliant qu’il y a de petites révolutions positives, qui se produisent tous les jours, et qui font avancer la société et les gens qui y vivent. On entend parler des gouvernements corrompus africains, alors qu’on oublie que le Ghana est un exemple de démocratie pour tous les pays du monde, y compris les pays développés. On oublie la corruption qui sévit aussi dans nos propres pays. On entend parler des guerres du diamant, alors que ce sont des biens consommés presque uniquement dans les pays riches. Belle ironie!

C’est suite à cette réflexion que je me suis questionné sur le pouvoir des images. Quand on présente une image, on présente aussi une réalité. Mais cette réalité peut trop facilement être interprétée, tordue et adaptée selon le contexte. Par exemple, voici une photo que j’ai prise dans le village de Hittè :



Quelle est votre impression en regardant cette image? Sûrement l’impression d’une terre sèche, infertile. On voit à droite un enclos défait et à gauche une femme bien aimante et ses deux enfants qui, délaissés, semble à la recherche de on-ne-sait-pas-quoi. En tout cas, elle semble bien cherché quelque chose! On pourrait presque croire à un village abandonné! Voici une autre photo prise à moins de 100 mètres du même endroit :



C’est le même village! Dans celle-ci, on voit toute l’agitation. Le forage permet à plusieurs femmes de puiser l’eau nécessaire à la nourriture. Il semble bien y avoir une dynamique sociale s’étant installé grâce au forage! Des bœufs viennent s’abreuver et des pintades tournent autour. Mangera-t-on de la bonne pintade grillée au souper!!!???

Les pailles tissées derrière le forage montre une activité économique. On fabrique ces rouleaux avec de longues herbes qu’on vend au marché. Finalement, les arbres derrières nous indiquent une activité agro-forestière. Ces arbres vont donner des fruits ou seront utilisé à des fins médicinales.

Deux images du même village nous montre deux réalités différentes. J’ai la chance inouie d’être ici, au Burkina, pour présenter, selon ma vision très restreinte des choses, la réalité que je perçois. Cette réalité est modifiée par ma propre culture, mes valeurs, mes idées préconçues, mon humeur du jour, mon état de motivation et les gens qui m’entourent. Je crois par contre que cette réalité que je vous présente dans mon blogue est aussi transformée par quelque d’encore plus important : le visage que MOI je veux présenter de l’Afrique, ou du moins, de la région Nord du Burkina Faso!

C’est à moi d’évaluer quelle est ma responsabilité en temps que travailleur en développement dans la façon que j’aie de présenter l’Afrique. C’est à moi de choisir.

Au final, lesquelles de ces photos vais-je choisir pour vous présenter l’Afrique? Les deux premières ou la dernière?