Je suis arrivé un peu en avance à l’arrêt d’autobus. J’ai un peu de lecture pour passer le temps avant le départ à 11h pour Silia. Il est 11h30. On nous annonce que l’autobus est en réparation et qu’elle devrait arriver bientôt. Bon ça va, yel cabé! (pas de problèmes!) Cinq heures plus tard (donc vers 17h), on rentre finalement dans le bus! La pluie qui a commencé une heure avant n’a pas encore cessé complètement. Alain, le stagiaire d’ISF qui quittera la ville bientôt décide alors de changer de place étant donné qu’il se fait mouillé par la pluie. Je lui demande alors pourquoi il ne ferme simplement pas la fenêtre. Il me dit de le plus naturellement du monde « y’en a pas ». Ha! C’est vrai! Je ris alors un peu de ma conception occidentale voulant qu’un autobus devrait normalement avoir des fenêtres!
Dommage! Deux minutes plus seulement on nous annonce que le départ est reporté le lendemain en raison des pluies. J’ai compris seulement le lendemain pourquoi les routes sont impraticables après une bonne pluie. À un endroit sur la route vers Titao, la rivière traverse le chemin. En fait, la rivière passe par-dessus la route! La route est en fait un barrage qui laisse passer le surplus d’eau de la rivière. À gauche de la route c’est la rivière qui arrive et à droite c’est la rivière qui tombe en bas du barrage. J’aurais adoré prendre une photo mais on est passé trop vite. Le niveau de l’eau arrivait alors (une journée après la pluie) aux genoux. En cas de pluie, oubliez-ça! Il faut attendre!
Rencontre avec le chef
Nous sommes finalement arrivé à Silia chez la famille Sawadogo. Nous la connaissons grâce à Augustin, un membre de la famille étudiant à Ouahigouya. Après la rencontre avec la famille qui m’accueillera durant trois jours, nous avons rendu visite au chef du village pour annoncer notre présence. J’ai d’abord senti un petit stress juste avant d’arriver à sa cour puisque je me suis rendu compte que je ne savais vraiment pas comment saluer un Naaba (chef)! J’essaie d’imiter assez lamentablement ceux qui m’accompagnent et le Naaba semble apprécier mon effort. Il nous remercie d’avoir pris le temps de venir le saluer. Nous lui expliquons le but de notre visite dans le village. Nous sommes venus mieux comprendre la vie dans un village au Burkina Faso. Nous voulons connaître leur mode de vie et apprendre sur les réalités de la vie en village.
Après nous avoir expliqué l’histoire du village, on a beaucoup parlé de l’ancien chef du village, qui est décédé il y a quelques années. Ce fut très intéressant de comprendre pourquoi le chef était un peu amer de l’ancien chef, qui était également son frère. Ce dernier avait marié une française et avait aménagé en France. La femme de l’ancien chef n’a jamais voulu venir visiter le village ce qui a créé chez le nouveau Naaba beaucoup de ressentiments.
La discussion la plus animé a sans doute été l’argumentation à savoir pourquoi les femmes blanches marient plus d’africains que les hommes blancs marient des africaines. Plusieurs opinions divergeaient au départ. Celle du chef était que les hommes ne trouvaient pas les africaines jolies et qu’elles n’en valaient pas la peine. Alain et moi étions évidemment en désaccord avec lui! Ma première opinion était qu’il est difficile pour un homme d’évaluer le véritable motif des filles voulant mariés des hommes blancs, à savoir l’argent ou l’amour. À la fin de la discussion, je ne croyais plus vraiment à mon argument. Dans toutes sociétés cette relation entre l’argent et l’amour. On en est venu (je crois) à convaincre le chef que c’était simplement une question de statistique. Ici, les hommes abordent beaucoup plus les femmes que l’inverse. Alors sur les rencontres possibles, il y aura beaucoup plus d’hommes qui marieront des femmes blanches. Si quelqu’un à une meilleure opinion, je vous invite à la partager!
Le mode de vie
Dans la formation pré départ d’Ingénieurs sans frontières, on nous montre que le mode de vie d’un paysan en Afrique est diversifiée (les villages ne sont pas tous les mêmes), complexe (beaucoup d’aspects peuvent nous échapper), instable (sujet aux chocs) et changeant (les activités ne sont pas les mêmes en août et en octobre par exemple). Il est donc difficile de bien cerner le mode vie de la famille d’un village. De plus, le fait que je sois étranger n’aide aucunement étant donné qu’on veut toujours me traiter aux petits oignons! Si au Canada, on demande rarement aux invités de faire le ménage de la maison, il est difficile pour les visiteurs de demander aux paysans de cultiver les champs avec eux! Donc le mieux que je puisse c’est de vous décrire le mieux possible une « photographie » de la situation de la famille Sawadogo.
Photo de la famille (à venir)
Les avoirs de la famille
Vous voyez sur la photo le chef de famille au centre accompagné de sa femme. La famille a en tout neuf enfants et plusieurs petits enfants. Quelques uns ont déjà quitté le village, alors que le plus jeune enfant, Maurice, a 17 ans. Ils pratiquent une agriculture de subsistance, c’est-à-dire qu’il mangeront tout au long de l’année ce qu’il réussiront à faire pousser cet été sur leur trois hectares. Ils font pousser le sorgho, le mil, le maïs, (trois céréales), un peu d’haricots et d’arachide ainsi que du riz.
Le champ de riz ne donnera rien cette année étant donné qu’il a été inondé. Les maisons sont fait de briques de terres fabriquées en moules et collé avec un mélange s’apparentant au ciment.
Il possèdent deux pintades (pour produire des œufs), environ quatre poulets, un âne, six cochons, quelques chèvres et environ cinq bœufs. Comme équipement, ils ont aussi une charrette pour les transports divers et une charrue pour labourer avant la saison des pluies et pour le désherbage.
Malgré la culture de subsistance, c’est donc une famille assez riche proportionnellement au reste du village.
Le village possède une école primaire et une infirmerie. Ils n’ont évidemment pas l’électricité mais possèdent une batterie (qui n’avait plus de jus quand je suis arrivé) permettant de recharger des piles pour la lampe de poche familiale ou la radio.
Elles cuisinent avec du bois et des marmites en fontes. Il y a un puit ouvert à environ 1 kilomètre et un forage (eau pompé en profondeur) à 2 ou 3 kilomètres.
ActivitésComme on a semé en juin, les plants de mil, de sorgho et de maïs ne sont pas encore arrivé à maturité. Comme vous voyez sur la photo suivante, la hauteur des plants varie beaucoup. À gauche, on a pu épandre du fumier qu’on a ramassé tout au long de l’année. On se lève donc vers 6h30 alors que les femmes sont déjà levées depuis un bout de temps pour préparer la nourriture. Il faut du temps pour préparer la braise nécessaire pour faire bouillir l’eau! Au menu, bouilli de mil avec sucré. Toute la famille ira au champ du matin au coucher du soleil et reviendra le soir pour le repas. Les femmes devront en plus du travail au champ préparer le repas, faire la lessive, laver les plats. Les enfants (garçons) pourront quant à eux aller chercher l’eau au puit avec la charrette et l’âne pour le lendemain.
Pour préparer les repas, les femmes de la maison transforment manuellement ce que la famille cultive. Elles transforment ensuite mécaniquement les grains en farine en utilisant un moulin situé à huit kilomètres du village.
Mon expérienceBon là c’est un peu différent! À mon arrivée j’étais vraiment motivé à vivre une vrai journée de paysan! Après avoir pris le petit déjeuner, je demande quand on part au champ pour le désherbage. Ah mais non, on ne va pas au champ le dimanche! Habituellement, tout le monde part cultiver, à part le dimanche, ou c’est congé. La famille Sawadogo est en fait une des rares familles catholiques de Silia. Bon ça va. On décide alors de visiter le village. On commence par aller au lac, ou on rencontre des Peuls, vivant tout près. Les peuls sont une ethnie traditionnellement nomade vivant du transport du bétail.
À Silia, les Peuls s’occupent des chèvres et des boeufs des agriculteurs en échange de nourriture. C’est un échange donnant-donnant qui fonctionnement très bien depuis des décennies. Il cultive également des petites parcelles de terres pour subvenir à leur besoin. Ils ont des habitations assez rudimentaires étant donné qu’il change d’emplacement dépendant des années. On se dirige ensuite vers le puit, ou des femmes s’affairent au transport de l’eau. Tout le monde n’a pas de charrette comme les Sawadogo et doivent donc transporter l’eau sur leur tête jusqu’à leur domicile.
À 30 degré, je commence à avoir un peu chaud. Pourquoi pas un petit thé pour se rafraîchir les idées et une bonne partie de carte! En village, les moments de détente en dessous d’un manguier ou une partie de carte remplace la télé! Ça m’a pris deux ou trois parties avant de comprendre toutes les règles mais maintenant je vous le dis, je suis vraiment un joueur redoutable! Ça ressemble un peu à la dame de piques. Il certain que mon père ne s’ennuierait pas ici!
Le lendemain, malheur! On a perdu l’âne! Il s’est échappé pendant la nuit. Je ne suis même pas encore levé qu’un des frères part en vélo à sa recherche. Sans âne, il faudra désherbé uniquement avec le daba, une sorte de machette avec un bout en métal (une « pioche » en bon vieux québécois) et se rendre au champ situé à au moins quatre kilomètres à pied! Le chef de famille envoie tout de même les enfants travaillés au champ avec le daba.
On décide tout de même d’aller voir les voisins pour voir s’ils ont besoin d’aide. À notre arrivée, nous voyons un groupe d’au moins trente personnes s’affairant à désherbé un champ. C’est un résident du village qui est fonctionnaire en ville et qui échange les services des villageois en échange d’un peu d’argent. Je décide alors de braver cette foule et de leur demander un daba pour que je puisse m’exercer. Tout le monde semble rire de moi mais qu’à cela ne tienne, le daba m’appartient! Un coup, deux coups, trois coups et un villageois s’approche gentiment pour corriger ma technique. Une minute plus tard on me remercie mais j’insiste pour continuer. Il me laisse faire pendant quelques minutes avant de m’apporter un choix de dolo (bière locale) ou de lait de mil (eau+farine de mil+sucre) pour me rafraîchir. Je vous laisse deviner ce que j’ai choisi! Vingt minutes plus tard je regarde mes mains et vois les trois plus grosses ampoules que j’ai jamais vue de ma vie sur mes doigts! Décidément, ils sont incroyables de faire ça toute la journée!
La journée s’est terminée tranquillement avec une douche au clair de lune et un excellent plat de benga (riz+haricots+huile+oignon). C’est vraiment bon!
Ce que je retiens de ma visite
Je vais essayer de résumé ici ce que je retiens le plus de ma visite à Silia.
1. Être un paysan, ce n’est pas facile! Ces gens travaillent vraiment très fort pour pouvoir se nourrir. Contrairement à chez nous, leur situation dépend souvent de facteur difficilement contrôlable, c’est-à-dire la pluie, la maladie, la sécheresse, des infections de leur champ par des vers ou des sauterelles, etc. Malgré tout, la famille reste très positive!
2. Ce qui m’a frappé, c’est l’importance que pouvait faire des équipements aussi simples qu’une charrette pour transporter le matériel, une charrue pour labourer et un animal pour l’utiliser. Sans charrette tirée par un âne, les femmes et les enfants de plusieurs familles doivent faire plusieurs allers-retours d’un ou deux kilomètres à pied si ce n’est pas plus pour aller chercher toute l’eau que la famille aura de besoin. Cela requiert, d’une part, beaucoup de temps, et d’autre part, beaucoup de temps qui pourraient être utilisé autrement. Sans charrue, on doit aussi cultiver à la main, ce qui rallonge de beaucoup le temps nécessaire alloué à cette activité. Pourquoi tous les fermiers n’ont-ils pas ces équipements? Quand on ne produit pas de surplus, on n’a pas les revenus nécessaires pour se payer de tels équipements qui peuvent coûter très chers relativement à leur moyen.
3. Les burkinabé sont vraiment un peuple très accueillant! Quand nous sommes arrivés dans le maison, toute la famille était vraiment très fier de pouvoir nous accueillir en tant qu’invité. Ils ont été très disponibles pour répondre à toutes nos questions et ils n’étaient pas question de leur donner quoi que ce soit en retour de la nourriture malgré qu’ils dépendent de celle-ci pour vivre. Ce qui m’a le plus frappée, c’est le moment ou j’ai demandé au chef de famille ce qu’il pensait des occidentaux qui payait un billet d’avion au-dessus de 3000$ (peut-être quatre fois leur revenu annuel) pour venir aider au effort de développement du pays. Je lui ai demandé si il n’aurait pas préféré recevoir l’argent à la place. Vous savez ce qu’il m’a répondu? Que l’argent, oui c’est bien, mais que si seulement l’argent était envoyé, nous n’aurions pas pu se connaître, discuter et partager des moments de bonheur. Un moment passé à se connaître vaut beaucoup plus que l’argent pour eux. Qui pourraient en dire autant?